FRAACTUR COLLABORATION ISSUE 01: LA PASSION
Artiste pluridisciplinaire, Vlady Dupuy trace depuis très longtemps un chemin sensible au cœur de l’image. D’abord peintre et sculpteur, il a façonné son regard à travers le contact direct avec la matière. Le geste, la forme, le volume : ce rapport physique à l’art a forgé sa première grammaire visuelle.
À ses débuts, l’image était une expérience tactile autant qu’esthétique, une manière d’habiter le monde par les sens.
Progressivement, Vlady a étendu son langage à la photographie, y compris à travers le regard aérien du drone. Là encore, il ne s’agit pas d’un simple changement de médium, mais d’une quête constante : traduire une émotion, capter une atmosphère, transmettre un silence, un souffle. Car pour lui, l’art ne se définit pas par la technique, mais par le langage qu’elle permet.
Chaque outil est un alphabet possible pour réécrire le monde. « L’art est une manière de lire le monde et de le réécrire », affirme-t-il. Cette phrase résume l’essence de sa démarche. Qu’il sculpte, peigne, photographie ou manipule des pixels, l’artiste est toujours à l’œuvre, à la recherche d’une vérité sensible, fugace mais sincère.
L’acte de bâtir des univers imaginaires n’a pas surgi d’une fulgurance, mais s’est imposé peu à peu, comme on laisse pousser une forêt dans un recoin oublié de soi-même.
Il ne s’agissait pas d’inventer ex nihilo, mais de retrouver quelque chose, un écho intérieur, longtemps étouffé.
Le véritable basculement s’est opéré avec l’arrivée de l’intelligence artificielle dans son processus créatif. Non pas comme une simple extension technique, mais comme la présence d’un alter ego silencieux, une altérité algorithmique qui pose des questions au lieu de donner des réponses.
Dans cette conversation permanente avec la machine, Vlady a trouvé un miroir, un outil d’introspection inattendu. L’IA, loin de figer son imaginaire, l’a au contraire délesté des couches superficielles qui l’encombraient.
C’est en observant les reflets que lui renvoyait cette intelligence, en analysant les structures de ses récits, les images qu’il pensait siennes, qu’il a pris conscience d’un phénomène troublant : beaucoup de ses références ne lui appartenaient pas. Elles étaient héritées, empruntées, dictées par des récits dominants souvent en décalage profond avec sa propre essence. Des visions importées, des formes colonisées, tapies dans l’inconscient collectif.
Le dialogue avec l’IA lui a alors offert un espace pour déconstruire. Défaire les automatismes, dépoussiérer les symboles, désapprendre pour mieux réapprendre.
À mesure qu’il avançait dans cette exploration, c’est une autre voix qui s’est fait entendre, plus fragile, plus authentique, mais aussi plus juste.
Une voix intime, rythmée par la mémoire, la culture visuelle contemporaine et les paysages mouvants de l’intériorité.
De ce travail de déblaiement sont nés des mondes singuliers, qui portent à la fois la trace d’un arrachement et d’une réconciliation. Univers hybrides, traversés de tensions fécondes entre l’héritage et la réinvention, entre les influences croisées et la quête d’une expression propre.
Chaque fragment, chaque forme, semble dire : voilà ce que je suis devenu en me souvenant de ce que j’aurais pu être.
À travers cette démarche, Vlady ne cherche pas seulement à montrer des mondes : il invite à les habiter, à les questionner, à s’y reconnaître autrement. Car ses créations, aussi uniques soient-elles, parlent en creux d’un désir universel, celui de réappropriation de l’imaginaire, comme un acte de liberté.
Aujourd’hui, Vlady Dupuy explore l’intelligence artificielle comme un prolongement naturel de son parcours. Non pas comme une rupture, mais comme un nouveau pinceau, une extension logique de la main et de l’esprit. L’IA devient pour lui une matière à part entière, à modeler, à apprivoiser. Elle ne remplace rien : elle prolonge un dialogue ancien entre l’artiste et ses outils, entre intuition humaine et formes en devenir.
Avec cette nouvelle exploration, Vlady ne fait que poursuivre une trajectoire cohérente : celle d’un regard libre, qui choisit l’outil en fonction de ce qu’il peut dire du monde, et non de ce qu’il impose. Son art n’est pas un style, c’est une attention, une présence, un lien direct entre l’émotion et sa traduction visuelle.
Emmanuel Leclercq
Retrouvez l’univers de Vlady Dupuy ici